Descendu des cieux tel un aigle qui fond sur sa proie, Asura exprime toute sa rage dans un titre développé par le fameux studio CyberConnect2. Si vous vous attendiez à un ersatz de God of War ou autre furieux beat'em all, vous risquez toutefois d'être surpris. Asura's Wrath est loin, très loin de ce que vous avez connu jusqu'ici.
Tout le monde se souvient du premier trailer d'Asura's Wrath. Un héros surpuissant et rageur, des paquets d'ennemis qui valdinguaient sous la puissance de ses coups et une entité complètement démesurée avaient fait de cette vidéo un véritable buzz dans le microcosme vidéoludique. On s'imaginait déjà manier un Kratos bouddhiste aux pouvoirs hallucinants, faisant gicler l'hémoglobine dans tous les sens. Pourtant, si Asura's Wrath peut être classé maladroitement dans le genre beat'em all, il serait bien réducteur de s'en tenir à cela. Voilà un titre principalement, voire exclusivement tourné vers la narration, à tel point que cela le rapproche nettement de l'anime interactif. Et non, ce n'est pas un défaut.
Expliquer sa structure n'est pas une mince affaire, mais téméraires que nous sommes, nous allons nous y coller. Il est divisé en 18 chapitres, appelés Sûtras. Chacun d'eux est composé de cinématiques qui relatent un passage particulier de la vie tumultueuse d'Asura. Mais ce qu'il faut bien comprendre, c'est que ces cinématiques prennent une grosse partie du temps de "jeu". Pour vous donner une idée, et au risque de vous choquer, elles constituent sans doute 85% d'Asura's Wrath. Ca fait beaucoup n'est-ce pas ? Hey ! Mais attendez, ne partez pas ! Certes, ce n'est pas nécessairement ce à quoi s'attendaient certains d'entre vous, mais ça ne veut pas dire que ce n'est pas intéressant. L'une des premières choses à savoir, c'est qu'une partie de ces cinématiques comporte des QTE. Loin de n'être qu'une vague tournure de gameplay, ces dernières participent véritablement à l'immersion dans la narration. Soulever une roche, résister à une attaque ou encore donner un coup, elles permettent surtout au joueur de faire corps avec la souffrance du héros. D'ailleurs, quand bien même un système de notation en fin de chapitre en tient compte, ne pas réussir une QTE n'a que rarement d'influence sur le déroulement de l'action, et n'en a jamais sur le scénario.
Le scénario, justement, met en scène le fameux Asura, l'un des huit Gardiens Célestes qui protègent Gaea. Bien qu'il soit plutôt connu pour son tempérament fougueux et résolument incontrôlable, Asura n'en reste pas moins un redoutable combattant dans l'opposition aux forces du mal, les Gohmas. Malheureusement, un véritable complot est monté contre lui par les autres Gardiens, le condamnant à tort pour la mort de l'Empereur. Pire encore, sa femme est assassinée et sa fille, puissante prêtresse, est enlevée. Après 12.000 ans dans le Naraka (les Enfers), Asura remonte sur Gaea avec l'intention de se venger, et on vous laisse à peine imaginer toute la rage qu'il a pu accumuler. Cependant, Les Gardiens Célestes ont profité de ce temps pour accumuler de l'énergie grâce aux âmes des pauvres mortels qui peuplent la planète, et sont désormais de vraies divinités à la puissance incommensurable. Il serait compliqué d'en dire plus sans vous ruiner quelques surprises, mais certaines relations sont plus poussées que d'autres, notamment entre Asura et Yasha, son beau-frère, l'un des sept autres Gardiens Célestes. Toutefois, le scénario met vraiment du temps à se mettre correctement en place, et la première moitié du jeu contient des longueurs parfois pénibles.
En effet, chaque plan semble fait pour vous montrer soit la rage d'Asura, soit la grandeur des sept nouvelles divinités, soit la douleur des habitants de Gaea, ces derniers semblant condamnés à ne faire que deux choses : prier et mourir. C'est tout de même mieux que le registre dramatique d'Asura, dont la moitié des lignes de dialogues sont constituées de "AAAAAAAHHHHHH" et autres cris de souffrance ou colère. Bien que le titre du jeu ne laissait que peu de doute sur ce fait, sur le long terme, on en finirait presque par en rire. Et si on dit presque, c'est parce qu'il faut souligner que la mise en scène reste prodigieuse, ce qui sauve un début de partie qui aurait pu sentir bon le mièvre et le cliché sans une certaine dose de génie dans la réalisation. Dans la deuxième partie, tout semble enfin se décanter, et on en arrive à enchaîner les scènes grandioses qui en mettent plein la vue et les tympans, d'autant que la bande originale d'Asura's Wrath contient de magnifiques morceaux. Si le personnage principal ne perd pas son côté caricatural, qui lui donne toutefois un certain charisme, on est heureux de venir à bout de notre quête, avec quelques surprises dans le dernier tiers du jeu.
Vous aurez noté que jusqu'à maintenant, nous n'avons pas encore parlé de gameplay. Sachez que cette mise en second plan d'un élément qui semble primordial pour un jeu vidéo est totalement volontaire. Il va de toute façon falloir vous y faire, car le gameplay est aussi mis au second plan dans Asura's Wrath. Pour faire simple, vous avez trois phases de jeu possibles. Les séquences de shoot sur rail, dans lesquelles vous n'utilisez que deux tirs pour déglinguer tout ce qui se trouve à l'écran sans aucun sens de la réflexion, les passages beat'em all où vous combattez plusieurs ennemis et ceux où vous faites face à un "boss". En ce qui concerne la jouabilité de ces derniers, le principe n'est pas ardu à assimiler : vous enchaînez les combos avec un seul bouton et pouvez déclencher une grosse attaque avec un autre, ceci nécessitant néanmoins un laps de temps avant de pouvoir être réutilisé, à moins de se servir de sa jauge de Trikâya (qui se remplit pendant les combats).
Mais votre jauge la plus importante (hormis celle de vie, bien sûr) est votre jauge de furie, qui monte au fur et à mesure de vos distributions de beignes. Une fois celle-ci pleine, vous pouvez déclencher une super-attaque qui permet d'avancer dans la trame scénaristique, que ce soit face à des ennemis communs ou à l'une des divinités. Ce que l'on peut regretter, c'est que le gameplay n'évolue pas d'un iota pendant toute la partie, et les phases de jeu se ressemblent comme deux gouttes d'eau. On s'en rend surtout compte contre les boss, où le principe consiste à esquiver des attaques pendant lesquelles l'ennemi est de toutes façons invincible avant de l'attaquer pendant une courte fenêtre de vulnérabilité. On a l'impression de se faire un bon vieux Punch Out. Certes, la mise en scène est incroyable, mais au bout d'un moment, cela devient relativement lassant et l'effet de surprise s'estompe. C'est dans ce genre de cas que l'on est content de savoir qu'elles ne constituent qu'une petite partie d'Asura's Wrath.
Pourtant, les gamers pourraient y trouver un intérêt. Chaque sûtra se termine par une notation de vos actes sur trois critères, le temps de jeu effectif (qui oscille entre 5 et 10 minutes par Sûtra, le reste étant constitué de cinématiques), votre score de combos et la réalisation des QTE. Avoir une notation parfaite à chacun des 18 chapitres débloquera un chapitre spécial qui revient sur la fin du jeu. Vu l'importance du scénario, nombreux sont ceux qui s'y essayeront. Cela dit, puisque les boss ont des patterns très définis, il n'est pas difficile de s'en sortir. Au final, que dire de cet Asura's Wrath ? Cela dépendra énormément de ce que vous en attendez. Plus proche du film animé interactif que du beat'em all, il subjugue par sa mise en scène qui dépasse allégrement toutes les limites, au point d'en devenir culte. On aurait même pu le conseiller à tout le monde si le gameplay n'était pas aussi monotone et si la trame ne contenait pas certaines longueurs, surtout dans sa première partie. Atypique, le titre de CyberConnect2 vaut quand même son pesant d'or pour ceux qui recherchent une histoire pleine de passion et d'énergie.
Les notes
Graphismes18/20
Si le but était de nous en mettre plein la vue, c'est réussi. Techniquement impeccable, Asura's Wrath vaut surtout pour sa mise en scène ravageuse qui puise largement dans l'excès. On se demande comme Gaea peut résister à ces explosions surréalistes, mais finalement, peu importe. Le chara design fait des merveilles et tous les personnages, pourtant nombreux se reconnaissent au premier coup d'oeil. A noter que les Sûtras sont séparés par de superbes artworks.
Jouabilité12/20
Hormis quelques problèmes de caméras, on ne peut pas vraiment reprocher quoi que ce soit à Asura's Wrath d'un point de vue technique. Toutefois, de la simplicité du gameplay découle rapidement une vilaine redondance, et on a l'impression de refaire les mêmes combats en changeant juste d'ennemis (et encore). Au final, on en arriverait presque à se demander s'il n'aurait pas été mieux de faire un anime plutôt qu'un jeu vidéo, même si ce postulat peut paraître exagéré.
Durée de vie13/20
Asura's Wrath ne se joue pas, il se raconte. En cela, s'il vous faudra sans doute une bonne douzaine d'heures pour en voir le bout, sachez que cela ne correspond sans doute qu'à une heure et demie de temps de jeu effectif. Pourtant, si ces chiffres peuvent faire peur, notez qu'il s'agit là d'une véritable expérience, et que zapper les cinématiques seraient un infâme sacrilège. Vous pouvez toujours y revenir pour débloquer le chapitre spécial, en sachant qu'il existe trois modes de difficulté.
Bande son16/20
Les musiques font dans le grandiose et on est épatés par les thèmes utilisés. L'utilisation d'une musique classique extrêmement connue pour le combat contre Augus est parfaitement bien trouvée. Toutefois, certains morceaux reviennent peut-être un peu trop souvent. On peut aussi se poser des questions sur les bruitages qui font parfois gag, notamment quand un personnage qui se relève émet un son de porte qui grince. Cela n'arrive pas assez souvent pour être gênant. Très bon point, on peut mettre les voix japonaises.
Scénario16/20
Tout d'abord, félicitons l'idée et la mise en scène d'un titre qui restera forcément dans les esprits. Il faut avouer qu'on est dedans de bout en bout et qu'on a envie de voir la fin. Malheureusement, pour un jeu qui met autant l'accent sur sa trame scénaristique, Asura's Wrath possède quelques défauts navrants, à commencer par des poncifs largement évitables. Les longueurs de la première partie peuvent freiner certains joueurs, mais dans l'ensemble, rarement un soft aura mis autant d'engouement dans sa narration.
Asura's Wrath est une véritable expérience avant d'être un beat'em all. De prime abord, on pourrait se dire qu'un titre constitué à 85% de cinématiques risque d'être ennuyeux, et beaucoup pourraient s'en détourner pour cette raison. Ils auraient tort. Le studio CyberConnect2 nous offre un soft atypique porté par une mise en scène extraordinaire qui met en avant la rage divine d'Asura. Du coup, la redondance de son gameplay passe rapidement en arrière-plan, et on profite d'une histoire envoûtante et d'un design à couper le souffle. Dommage que la première partie ne soit pas aussi prenante que le reste.
Note de la rédaction
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