L’activiste du climat Camille Etienne et le réalisateur Solal Moisan, avec la participation de leur amie danseuse Jade Vergnes, viennent de sortir leur premier long-métrage : « Pourquoi on se bat ». Sous la forme d’un voyage initiatique, le documentaire nous invite à les suivre dans une quête de sens écologique, au contact direct des espaces visibles de la crise climatique. A l’occasion de sa diffusion gratuite sur TV5MONDEplus ce 5 avril, Mr Mondialisation a reçu le trio pour échanger sur l’avenir de la lutte, mais, surtout, sur ses raisons d’être. Entretien inspirant.
Des glaciers d’Islande menacés de disparaître sous l’effet du réchauffement climatique, aux ruines belges laissées derrière les inondations de 2021, en passant par les reliefs menacés de Savoie : le film « Pourquoi on se bat », produit par Echo studio et 4Humans, nous embarque aux côtés de trois jeunes amis sur les traces de la crise environnementale causée par l’activité humaine.
Le but ? Remonter à la source de l’urgence écologique, là où le combat (re)fait immédiatement sens. Car qu’on se batte ou pas, depuis longtemps ou non, la Méga-Machine sociétale dans laquelle nous vivons sait très facilement nous éloigner de l’essentiel, jusqu’à rendre invisible la nécessité de nos moindres efforts. Trois jeunes, et autant de sensibilités différentes, ont ainsi souhaité (re)trouver l’évidence de la lutte. Bande-annonce :
Camille, Solal et Jade : les présentations
Camille Etienne est originaire de Savoie où elle côtoie personnellement les effets du réchauffement climatique. Désormais âgée de 23 ans, elle est devenue l’une des figures médiatiques les plus influentes de la lutte écologique, en porte-voix d’une jeunesse en lutte pour son avenir. Habituée des caméras, elle s’est notamment fait connaître pour son intervention courageuse à l’Université d’été du Medef en 2020. Or, malgré son engagement – et comme nous toutes et tous face à l’ampleur du désastre et des défis annoncés – elle peut perdre pied : à quoi s’accrocher quand tous les voyants sont au rouge et que l’on est condamnés à se battre vent de face ? A travers « Pourquoi on se bat », il s’agit pour elle de retrouver un sens auquel confier son endurance.
Solal est un jeune réalisateur qui a travaillé, entre autres, pour la série d’anticipation «L’Effondrement » sur les dangers de notre modèle. Il conscientise les limites planétaires depuis longtemps, car comme beaucoup, il est informé à propos des enjeux sociétaux contemporains et à venir. Mais l’urgence viscérale d’agir, au début de l’aventure, il regrette de ne pas encore la ressentir dans sa chair : son but est de parvenir à expérimenter ce sens qu’il rationalise déjà.
Quant à Jade, diplômée en philosophie de l’environnement, c’est en tant que danseuse et chorégraphe qu’elle co-fonde en 2021 le collectif artistique et activiste Minuit 12, dont les créations s’articulent autour des questions écologiques. Si le corps est aujourd’hui pour elle « une matière première de création et une interface sensible d’appréhension du monde vivant », trouver un mode d’expression dans lequel elle se sente légitime au sein du mouvement écologique n’a pas toujours été évident. A l’occasion de cette expédition, c’est donc à explorer ses sens qu’elle compte s’affairer.
Il et elles sont amis de longue date et ont déjà collaboré pour Avant l’Orage, la chaîne de court-métrages définie comme «Des fictions qui impactent le réel», créée par Solal et Camille, avec la participation de Jade dans l’épisode EACOP : la bombe climatique de notre génération, mais plus connue pour son clip Réveillons-nous :
Pour ce nouveau documentaire, au départ d’un voyage de deux semaines en voilier qui inaugure une expérience intense de plusieurs mois au cœur du monde vivant, tous trois cherchent donc ce qui saurait justifier à leurs yeux la bataille d’une vie, de leur vie. Y sont-ils parvenus ? Réponses avec Jade et Solal au cours d’un échange aussi ouvert et optimiste que leur film.
Se battre avec des images : les coulisses d’un besoin
Mr Mondialisation : Bonjour Solal, bonjour Jade. Avec Camille, ce film n’est pas votre premier projet d’écriture. Il y a d’abord eu Avant l’Orage, cette série de courts-métrages qui sensibilise à l’urgence écologique depuis 2020. Mais « Pourquoi on se bat » est d’un autre genre : c’est un documentaire, moins écrit, plus spontané. Pourquoi avoir changé de format ?
Solal : Quand Camille nous a proposé l’idée de ce film documentaire, la question de la forme s’est en effet posée : comment raconter au mieux notre expérience ? A l’inverse d’Avant l’orage qui a demandé beaucoup de travail de mise en scène et de production, on voulait faire quelque chose de plus spontané. Il fallait que ce soit intime, à l’image de la proximité qu’il y a entre nous. Le gros avantage est que nous avons été confinés ensemble et que je connais Camille depuis longtemps, il n’y a pas de barrière. Malgré tout, ça n’a pas été simple, nous avons dû affiner notre rapport à la caméra au fur et à mesure : les scènes où Camille est la plus à l’aise, visibles tout au long du film, sont en fait les scènes les plus éloignées dans le tournage. Il a fallu le temps d’appréhension de la caméra.
Il y a par exemple cette scène où Camille et moi sommes assis sur l’herbe et restons très longtemps dans le silence, souriants, sans réussir à commencer une conversation sérieuse à propos de la crise que nous vivons. On perçoit alors la vulnérabilité et l’humanité du personnage de Camille qui, dans ses interventions médiatisées, semble généralement être un roc stable et ancré. En réalité, comme tout le monde, elle est faite de questionnements. Devoir tenir tête à des personnalités publiques l’oblige à ne pas se démonter, mais pour ce film, nous voulions recréer l’empathie. Finalement, c’est Jade qui m’a parue beaucoup plus à l’aise, comme une actrice face à la caméra, alors que Camille, qui est pourtant habituée aux plateaux télé, avait plus de postures.
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Jade : Quand je danse, je peux en effet être habituée à la caméra, et improviser sans problème. En revanche, parler devant la caméra a été plus difficile… En ce sens, j’ai aussi vécu ce temps d’adaptation. Surtout que nous étions filmés dans des situations inconfortables où nous étions mis à nu : malades, en voilier, dans des combinaisons de navigation ou épuisés sous la pluie, à l’affût en forêt… Le défi dans ces moments-là est que tu dois montrer quelque chose de toi qui est justement en train de s’écrire dans l’instant, au fil des rencontres, de tes expériences, et dont tu ne sais pas où elles te mèneront vraiment.
Mr M : D’un côté, il y a donc cette spontanéité et cette vulnérabilité permise par votre amitié, mais de l’autre, le but du film est de délivrer le message rigoureux et exigeant de l’urgence écologique : comment rester justes entre relâchement et maîtrise de son sujet ?
Jade : Dès le début du projet, on s’est posé beaucoup de questions : est-ce que notre récit est vraiment utile ? doit-on le raconter de cette manière ? On est en permanence en débat, mais c’est le principe d’être en lutte. Et finalement, l’épreuve du documentaire, c’est aussi cela : se remettre en question et aller chercher la quintessence de ce qui est vraiment intéressant dans des contextes où l’on est fragiles, physiquement et intellectuellement éprouvés.
Solal : La question de la maîtrise du sujet s’est en réalité posée au montage. Il y a des propos qu’on voulait mettre, mais qu’on n’a pas gardés, parce qu’ils sont encore trop débattus entre scientifiques et qu’il ne fallait surtout pas décrédibiliser le discours général. Tout en mettant en avant notre spontanéité, il fallait tout de même qu’on puisse être sûrs de ce qu’on voulait dire sur le plan écologique : c’est tout le combat du documentaire d’arriver à créer quelque chose de nouveau, tout en marchant sur des œufs pour ne pas diffuser n’importe quoi. Pour éviter que des gens puissent contredire les faits, il fallait qu’on soit sûrs de nous, à tous les niveaux.
Dans un documentaire, quand on ne joue pas, c’est finalement là qu’on joue le mieux.
Mais paradoxalement, j’ai aussi compris avec ce film que c’est dans les moments les plus intimes que la question de la justesse du message se pose le moins : car plus une scène est sincère et juste, plus le spectateur est touché et ne la remet pas en question. Et tout ce qui nous paraissait au départ le plus délicat à partager, car nous étions nous-mêmes sans filtre, a été le plus intéressant et pertinent. C’est dans ces scènes-là qu’on reconnaît vraiment les personnes que nous sommes, avec nos nuances et nos imperfections, et qu’il est possible de s’identifier. Dans un documentaire, quand on ne joue pas, c’est finalement là qu’on joue le mieux.
Se battre pour le grand public : retour aux sources
Mr M : Camille et vous deux êtes, comme une grande partie de la jeune génération, très informés sur les questions d’écologie, et notamment de transversalité des luttes. Le film évoque d’ailleurs les enjeux décoloniaux liés à la préservation de l’environnement, la responsabilité du modèle industriel dans la destruction du vivant et même l’importance de viser les structures au-delà de son rôle de consommateur. Mais alors que les mouvements sur le terrain en sont davantage à s’interroger sur «comment se battre», à la recherche de stratégies de résistance efficaces contre notre système mortifère, qu’est-ce qui vous a motivés à revenir aux origines de la lutte écologique, à savoir l’urgence environnementaliste ?
Jade : Je lis beaucoup, je me renseigne beaucoup, donc je connais bien ces sujets. Mais quand je reviens voir ma famille, nos débats sont encore à mille lieues de ces réflexions.Pourtant, c’est avec eux que les débats politiques me passionnent le plus, car on va à l’essentiel : quel est notre rapport au travail, aux autres, à la vie collective… Si on n’est pas d’accord sur ces questions, on ne peut pas faire société. J’aurais très peur de devenir l’intello qui a fait ses études en ville et revient avec du mépris : je n’en ai aucun pour leurs opinions politiques. Une partie de ma famille vient par exemple du monde agricole et j’admire leur connaissance du monde vivant, je vois leurs difficultés, ce qui me rend inconfortable à l’idée d’arriver avec de grandes théories écolo que j’ai apprises en ville. Aujourd’hui, je m’ouvre tout de même à l’idée de partager mes connaissances, je trouve qu’il est bête de m’auto-censurer.
C’est le but de ce film de trouver le juste équilibre entre partage et considération. Avec cette volonté de toucher le grand public, on ne simplifie pas les discours, au contraire, on questionne les fondements des valeurs de société. Et c’est aussi pour cette raison qu’on a introduit de la danse dans ce film, parce que parfois on peut plus facilement ouvrir un débat grâce à une vidéo de danse qu’avec un discours plus poussé. A côté de danseuse, je reste militante, mais je vois bien que quand je parle de désobéissance civile, ça ne passe pas toujours avec tout le monde, tandis que quand je danse devant Total, quelque chose se passe dans l’esprit des personnes peu sensibilisées jusque-là, il se raconte quelque chose de plus direct.
Solal : Avec ce film, on vise effectivement le grand public. L’histoire de ces trois jeunes amis qui cherchent les raisons premières de se battre, notre histoire sans artifices qui était aussi une manière pour nous d’embarquer le plus de monde dans le bateau. Il fallait parler tout de suite de notre urgence, sans développer des problématiques trop précises, encore trop niches pour la plupart des gens. Quand j’ai commencé à réfléchir au montage, l’idée principale que j’avais en tête, c’était d’ailleurs surtout : qu’est-ce qui va faire que le spectateur va se mettre dans nos bottes et comment peut-on être le plus proche de lui ?
Pour ma part, je connais les questions environnementales, mais il me manquait les sensations qui vont avec, les émotions qu’a pu ressentir Camille quand elle a vu les neiges fondre autour de chez elle en grandissant. Moi, dans ma campagne, même si les changements existaient, ils étaient peut-être plus subtils et ne m’ont pas marqués au bon moment de ma vie. C’est en partant de cette expérience qu’on s’est encore plus rendus compte que l’émotion permet de rapprocher tous les êtres humains : quand Jade danse ou qu’on est touchés par l’apparition d’un cerf, il y a une empathie immédiate.
Je crois que c’est la chose qui me permet, même pour Camille qui est très avancée sur ces question-là, de renouer avec le sens des choses au moment présent : lors des entretiens, nous étions par exemple extrêmement attentifs aux discours des scientifiques que nous connaissions pourtant déjà de loin, parce qu’on sentait précisément une passion et une avidité de savoir pour leur domaine de recherche, et que nous en étions touchés. Je pense que c’est l’émotion qui nous a également permis de toucher des gens qui étaient loin de ces questions-là. Mon père l’a par exemple revu trois fois depuis sa diffusion, alors que d’habitude, il regarde mes projets de plus loin. Je suis moi-même un peu le spectateur lambda qui connait des trucs, mais qui n’a pas encore tout intégré, et je sais que je ne le pourrais que par l’intermédiaire de mes sensations.
Mr M : Durant cette aventure, sur un voilier, en montagne ou en forêt, vous avez en effet été plongés dans des lieux de vie très riches, vastes et salvateurs qui vous ont procuré des émotions vives. Comment, après une telle immersion, fait-on pour retourner à la ville ou au front de lutte urbain ?
Jade : Ce n’est pas la première fois qu’on passait du temps dans la nature, notamment à la campagne, mais de manière générale je pense que le monde est plus hybride, qu’il n’y a pas la ville d’un côté et la nature de l’autre : par exemple, au balcon, il y a des pigeons, il y a aussi des hérons dans Paris. Si tu vas dans un étang, même au bord d’une aire d’autoroute, il y aura de la vie. C’est notre rapport au monde et à l’altérité qui compte : on peut interagir avec des animaux ou des humains, je ne fais pas vraiment la distinction entre une rencontre avec un globicéphale ou mon voisin. Evidemment, quand on côtoie plus de biodiversité, on se sent mieux, et le retour à la ville est toujours violent : mais en ville, la lutte est aussi très présente, tu peux réussir à faire passer des lois qui sont fondamentales et je ne veux pas perdre ce lien.
Mr M : L’un des messages que vous transmettez dans ce film, à travers vos trois personnalités différentes ou celles que vous rencontrez, mais également vos discours : c’est celui de la complémentarité des compétences et des fronts de luttes. Vous rappelez notamment que chaque personne peut se mettre au service de l’écologie à partir de ce qu’elle est, car le terrain a besoin de tous les savoirs d’une société diversifiée pour se déployer, de la création artistique d’un imaginaire alternatif à l’informatique en passant par l’ingénierie ou l’écriture : il y a tout à faire. A quel point est-ce que ce message est décisif dans votre film et pour notre avenir ?
Solal : La surprise à ce niveau-là, c’était Jade : on se demandait comment la danse pouvait prendre une forme spontanée dans le documentaire. Et finalement, c’était une évidence. C’est une sorte de métaphore de ce qu’on peut arriver à construire avec tous les gens qui sont autour de nous. Pour explorer les possibles, on a besoin de tout le monde, sur chaque sujet, dans chaque domaine.
L’idée de ce film, c’estde (re)donner un souffle, de faire passer un bon moment et de créer un peu d’espoir. On avait besoin de le faire pour nous, mais j’ai l’impression de sentir ce même besoin chez le spectateur. Un besoin de relâchement en se rappelant la simplicité du message, beaucoup plus simple qu’on le pensait. Une fois touchés par cette réalité, on peut pousser à l’action en expliquant que tout le monde peut y arriver depuis ses propres connaissances. Le secret, c’est de se mettre en mouvement. Le fil rouge qui est tiré tout au long du film est par exemple celui du lien direct avec la nature notamment développé dans la philosophie de Jérémie qui nous accompagne en forêt dans le film : allons-y, prenons notre sac de couchage et allons dormir en extérieur, quelque chose se passera forcément. C’est en ce sens qu’on a d’ailleurs mis en place le site Pourquoionsebat.com qui est complémentaire du film et propose des solutions concrètes et intuitives pour s’y mettre.
Jade : Le but était vraiment de créer l’envie d’agir, qu’à la fin du film, les gens ferment leurs ordinateurs et qu’ils ne se sentent pas dans un état d’impuissance, mais en gardant plutôt en tête que tout est possible, même si ça paraît démesuré. On voulait remettre à l’échelle, rappeler que rien n’est une moindre bataille.
Des raisons à l’action : l’après film
Mr M : Et alors finalement : «pourquoi on se bat» ? Avez-vous trouvé votre réponse ?
Ne pas se battre pour la vie qui est en train d’être détruite, c’est une forme de suicide ; alors se battre revient finalement, tout simplement, à écouter son élan vital.
Solal : J’aime bien quand un film commence par la scène de réponse, mais qu’elle prend sens après, au fil du visionnage. Ce pour quoi on se bat, c’est ce cerf qu’on voit en premier lieu et qui, lui, ne nous voit pas. Avec ce film, on a décidé de faire un pas de côté face à la projection de l’effondrement et de la fin du monde, pour se replacer à l’échelle de la vie présente et qu’on voit trop peu évoluer de nos propres yeux, dans son milieu.
A ce moment-là, l’importance de cette vie en mouvement nous apparaît soudainement, elle est extrêmement claire. Face à ce cerf, on sent que c’est comme ça que le monde fonctionne et qu’il ne faut surtout pas que ça disparaisse. Face à toute cette vie sauvage incroyablement bien organisée, on se sent un tout petit être humain, et on se rend compte que c’est pour ces instants qu’on se bat, pour retrouver ces moments furtifs, ne surtout pas les perdre.
Jade : D’ailleurs, dans cette scène, le cerf brame, un symbole de puissance incroyable à entendre et voir, et en ce sens, ma réponse est similaire. Finalement, je n’ai pas tant l’impression de me battre contre, car la seule chose pour laquelle je me bats, c’est pour le monde vivant, le monde humain y compris. Quand on se bat, on le fait en effet autant pour nos familles, ce cerf qui brame, ou nos amis. Et quand on se retrouve cachés avec ses meilleurs amis à observer les Tétras lyre, il y a l’essence de pourquoi on se bat, une posture très saine pour la vie, une volonté de persévérer pour la vie. Ne pas se battre pour la vie qui est en train d’être détruite, c’est une forme de suicide ; alors se battre revient finalement, tout simplement, à écouter son élan vital.
Quand on se bat, on le fait en effet autant pour nos familles, ce cerf qui brame, ou nos amis.
Solal : Quand on a vécu ces moments-là avec Jade ou Jérémie Villet, j’ai de suite eu une prise de conscience ultra simpliste. En voyant ce cerf ce jour-là : j’ai compris que tous les combats qu’on mène avec Camille, contre EACOP ou encore contre les néonicotinoïdes, sont liés à la biodiversité. Si ces personnes qui étaient en charge de ces projets prenaient le temps d’observer réellement les milieux qu’ils détruisent, ils ne prendraient peut-être pas ces décisions ; car leurs projets, c’est tout simplement la fin de la vie.Avant je suivais Camille pour l’aider, mais maintenant je sais pourquoi.
Le mot de la fin, pour de nouveaux départs
Comme un écho à cette dernière confidence de Solal, parmi les raisons qui ont motivé ce film, Camille confie ceci : « Je me suis dit qu’il serait utile de vous raconter pourquoi je me bats. En espérant que ça vous donne envie de trouver la vôtre de raison, si vous ne l’avez pas déjà ».
Il est clair que ce documentaire – au-delà d’avoir été une quête de sens pour ces trois jeunes amis et à l’image de beaucoup d’autres de leur génération – cherche à toucher cette majorité qui n’a « pas déjà » de raison de se battre. Cette partie d’entre-nous, bien plus conséquente qu’on ne l’imagine, qui ne se sent pas encore impliquée par la gravité de la situation, ou pas encore tout à fait. Alors ce film revient pour cela aux fondamentaux de la lutte climatique, à ces évidences qu’il est malheureusement nécessaire de répéter malgré les 50 années qui nous séparent déjà de l’alerte lancée par le Rapport Meadows en 1970.
Cet angle large, ce retour aux prémices de l’écologie comme aux origines de notre combat pourrait ainsi paraître frustrant pour les militants et militantes radicalisées par des années de prise de conscience, et pour qui l’échelle est désormais systémique, et l’enjeu stratégique. Or, si ce film incarne une porte d’entrée idéale vers l’écologie pour le grand public, il n’en est pas moins une bouffée d’air frais pour des activistes si informés qu’il leur devient parfois difficile de maintenir le souffle des premiers jours, voire de le transmettre à leur entourage.
Un des scientifiques interrogé dans le documentaire le résume d’ailleurs assez bien et de manière frappante quand il explique que chaque fois qu’il apprend quelque chose, il a l’instinct de croire que les autres sont donc déjà au courant. Evidemment, c’est un biais, et ce n’est pas le cas en réalité, ce qui l’oblige à attendre que tout le monde soit au niveau avant de pouvoir partager la suite de ses observations. Aussi, dans l’urgence de notre activisme, oublions-nous parfois qu’il reste encore beaucoup de monde à convaincre, puis à accompagner vers un avenir plus serein et, de fait, plus collectif encore. D’autant que, seuls nous irons sans doute plus vite, mais ensemble, nous irons très certainement plus loin.
Pourquoi on se bat, pourquoi on se filme ? Camille, Solal et Jade y répondent en chœur : au bout du compte, chaque fois pour celles et ceux à qui nous tenons autour de nous, et plus souvent qu’on ne le pense pour tous les autres aussi. Pour l’amour universel qui transcende les époques et les luttes contre la haine, la corruption et l’oppression, quelle que soit sa finalité.
– Propos recueillis par S.H
Mr Mondialisation remercie Jade et Solal pour ces échanges en toute simplicité. Retrouver le documentaire gratuitement en plusieurs épisodes sur TV5MONDEplus et, pour agir, découvrir Pourquoionsebat.com
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